Vers un projet d'une vallée écologique
1963-2009
Auteur : Bernard Kohn architecte-urbaniste et pédagogue
Le fleuve Sabarmati est l'un des principaux fleuves coulant du nord au sud dans l'ouest en Inde.
Il prend sa source dans la chaîne Aravalli du district d'Udaipur au Rajasthan et se jette dans le golfe de Khambhat de la mer d'Oman après avoir parcouru 371 km dans une direction sud-ouest à travers le Rajasthan et le Gujarat. Quarante-huit kilomètres du fleuve se trouvent au Rajasthan, tandis que 323 km sont au Gujarat. Le Sabarmati est un fleuve saisonnier dont les flux sont dominés par la mousson, avec peu ou pas de flux après la mousson.
Des articles récents dans Counterview par Rohit Prajapati et Krishnakant de la Paryavaran Suraksha Samiti (PSS), décrivant la pollution de la rivière Sabarmati, font suite à des années et des années de négligence et de refus de faire face au problème crucial de santé de la rivière.
Il y a quelques années, cette pollution a été dramatiquement illustrée après des travaux sur le barrage en aval, lorsque la libération de l'eau a révélé une masse incroyable de déchets, tapissant le sable du lit de la rivière.
La pollution extrême et totalement inacceptable est clairement identifiée et souligne les problèmes qui doivent être affrontés.
De toute évidence, l'idée d'un plan d'eau "comme un lac" mais essentiellement stagnant est une aberration et en complète contradiction avec le climat et les habitudes culturelles des habitants d'une ville de plus de sept millions d'habitants, que ce soit en Inde avec ses conditions climatiques extrêmes, ou ailleurs.
La proposition initiale des années 1960, aurait été un projet notoire socialement, humainement et écologiquement.
C’est celle d’une succession de grandes plateformes descendant vers un plan d'eau de hauteur et de largeur variables (contrairement aux murs construits actuellement). Bien évidemment si elle avait été adoptée elle aurait été accompagnée d’une vaste campagne d’assainissement permettant de neutraliser les rejet de déchets d'eaux usées, industriels directement dans la rivière.
C’est celle de repenser totalement les 15 kilomètres du tronçon de la rivière Sabarmati à Ahmedabad en termes de sa place dans un projet global pour tout le bassin fluvial en tant que vallée écologique, de sa source à la mer, et en tant qu'entité agricole, sociale et environnementale.
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Professeur Bernard Kohn
Le front de rivière dans son parcourt dans la ville d'Ahmedabad n'est pas un projet séparé pour quelques-uns par opposition à la majorité, du bénéfice de cette classe urbaine privilégiée avec ses installations économiques qui se développeront inévitablement le long de ses berges .
Les problèmes doivent être abordés avant qu'une situation sanitaire majeure ne se développe, comme le souligne le Paryavaran Suraksha Samiti, avec des eaux fortement polluées déchargées en aval rendant les conditions de vie des villageois et la culture de récoltes saines impossibles.
1963-1967 : Proposition initiale pour la rivière Sabarmati
Avec des collègues du Citizens’ Town Planning Group, j'avais suggéré que le développement des deux côtés du tronçon de 11 kilomètres de la rivière dans sa partie à Ahmedabad, fasse partie d'une proposition beaucoup plus large et d’envergure globale pour l'entière vallée de la rivière Sabarmati.
Le projet proposait de surélever le barrage de Vasna prévu à l'époque, juste assez pour pouvoir contrôler la hauteur désirée de l'eau toute l'année, et surtout pendant les mois secs, tout en respectant, le reste de l'année, les autres activités utilisant les portions sablonneuses du lit de la rivière: les marchés, l'extraction de sable, les célébrations rituelles, la production agricole, ainsi que le cirque et autres activités festives.
Le public aurait pu accéder au lit de la rivière par une série de larges marches ressemblant à des ghats descendant par une série de plateformes successives, jusqu'au niveau de l'eau. Des deux côtés, sans circulation fluviale, un nombre limité de points d'accès strictement définis perpendiculaires à la rivière étaient proposés, venant des routes longitudinales existantes, comme la route de l'Ashram
Premier document rédigé en 1963
Deuxième document rédigé en 1967
La proposition a été présentée à Morarji Desai, alors ministre en chef de l'État de Bombay, avant de l’être pour le Gujarat, et reçu l'approbation du gouvernement. Des études hydrauliques ont validé sa faisabilité, et en conséquence, le barrage a été surélevé juste assez pour permettre un niveau d'eau possible et contrôlable.
De 1969 à 1999, tout le monde a continué à parler du projet mais seule la construction strictement minimale nécessaire pour canaliser les eaux usées directement dans la rivière a été entreprise.
Maquette et une lettre échangée avec Morarji Desai en 1968
À partir de 1996 : Évolution du projet
En 1996, Bimal Patel, l'architecte bien connu, s'est engagé avec son large personnel à promouvoir le projet.
Il a profondément modifié la "signification" de la proposition initiale, d'un projet social et culturel à une conception plus commerciale orientée vers la facilitation du développement économique, guidée par une idée de conception ridicule et impossible de créer un lac d'un bord à l'autre toute l'année, "comme Paris ».
Les plateformes, qui avaient été initialement projetées pour descendre vers la rivière, sont devenues un seul niveau plat avec, des deux côtés de la rivière sur 11 kilomètres, (actuellement projetés d’être doublées), contenues par des murs de soutènement de huit mètres de haut, et ces « boulevards », en réalité de grandes autoroutes occupant les deux rives.
Certes, la nature du projet a de fortes qualités, mais elle sert une vision architecturale erronée et abstraite, animé par le désir de « plaire » à une présupposition strictement politique d’un premier ministre, presque sans opposition devenu trop sûr le lui...
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Deux de mes dessins programmatiques de la série de 12 croquis datant de 1990, illustrant une méthodologie étape par étape de la 'machine à penser', telle que pratiquée par Patrick Geddes.
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Croquis autour du projet d'aménagement des rives du fleuve
Dans un premier temps, j'ai suivi l'évolution du projet repris pas Bimal Patel,en essayant de raviver l'intérêt public pour les objectifs sociaux et environnementaux initiaux, et de m'éloigner des objectifs principalement économiques et commerciaux de Bimal, tout en tentant de contrer les « boulevards » proposés le long du fleuve, qui en réalité sont des autoroutes ininterrompus..
En fait, ceux-ci contribuent à couper complètement l'accès aisé des habitants l'utilisation de la rivière. Ils sont évidemment difficiles à traverser (comme c'est le cas aujourd'hui avec la route de l’Ashram Road), et très difficiles pour un couple avec de jeunes enfants et des citoyens plus âgés.
L'idée de Bimal Patel de créer un lac d'un bord à l'autre toute l’année, comme à Paris, oubliant que la Seine est un fleuve en mouvement.
Pour favoriser la fluidité et l'accessibilité facile entre les habitants des quartiers densément tissés de la ville et la rivière, ces autoroutes, qui sont construites principalement pour servir le développement immobilier futur anticipé, doivent être sérieusement remises en question.
Atelier interactif de la CEPT 2008-09
Avec un objectif à la fois éducatif et politique, moi-même et des collègues de la CEPT avons organisé un atelier multidisciplinaire "Potentiel écologique pour les 400 kilomètres du bassin de la rivière Sabarmati: Une rivière pour tous".
Ces deux ateliers étaient profondément redevable à Patrick Geddes, ce penseur et acteur multidisciplinaire extraordinaire qui avait visité Ahmedabad dans les années 1920, et rédigé un rapport notable comprenant un plaidoyer pour ne pas détruire le mur entourant la vieille ville (un parmi ses nombreux rapports sur les villes indiennes).
Un objectif sous-jacent de l'atelier était de faire connaitre et d'intéresser les citoyens, les élus et les étudiants universitaires à la pensée autour du concept global et fondamental d' "une rivière pour tous".
Les ateliers de 2008 et 2009 se sont conclus par des merveilleuses expositions publiques dans le marché principal du dimanche, qui alors encore existait le long de la rivière, et auxquelles ont participées différentes sections de l'Université CEPT : "aménagement paysager, planification urbaine, architecture ».
Divisés en huit équipes, les étudiants ont enquêté sur différentes parties de la rivière, de la chaîne Aravalli jusqu'au golfe de Khambhat.
C'était l'une des premières fois qu'un projet éducatif, au lieu de rester dans son cocon, occupait un grand espace public et s'impliquait dans la vie quotidienne d'un large public. Des articles significatifs appelant à la création d'une vallée écologique du Sabarmati ont été publiés dans de nombreux journaux. Des conférences publiques et des expositions ont accompagné ces efforts.
Cependant, dans les années suivantes, ces initiatives positives n'ont pas été suivies, et n’ont pas pu resister a une urbanisme et architecture à caractère commerciale.
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Photographies ci-dessus : Une exposition s'est déroulée sur le marché du dimanche (à gauche) afin d'illustrer l'impact et l'intérêt que peuvent susciter des illustrations sobrement réalisées. Le dessin (à droite) illustre les objectifs des avantages de traiter toute la vallée de la Sabarmati comme une entité écologique unique.
2024-2025-2026 : Quelles peuvent être les prochaines étapes ?
Forum d'information démocratique et exposition
Nous pouvons organiser de grands forums d'information démocratique et des expositions, avec un référendum à l'échelle de la ville d’Ahmedabad, sur différentes options qui peuvent être évaluées et discutées.
Nous n'avons pas d'autre choix que d'accepter le fait que le concept d'un lac stagnant est une aberration et une erreur totale. Nous pouvons immédiatement et significativement abaisser le niveau de l'eau. Cela permettrait à l'eau de couler et d'irriguer en partie les 200 kilomètres de terres agricoles potentiellement riches au-delà de la ville d’Ahmedabad jusqu'au golfe de Khambhat.
Notre seule option aujourd'hui est d'ouvrir les portes du barrage et de vider une grande partie de l'eau polluée !
En même temps, si le long des 400 km, disons qu'une bande de 100 mètres de largeur nous pourrions convaincre élus et habitants le long du fleuve, de planter des arbres qui progressivement, lentement, année après année, créerait un exploit social et culturel et écologique unifiant, contrairement à toute la terrible politique fondamentaliste séparatiste qui ruine actuellement l'Inde.
Source : https://www.counterview.net/2021/03/sabarmati-riverfronts-lake-like.html
Contexte
Situé à Ahmedabad en Inde.