Les études des villages à Junagadh
Junagadh est un district situé à environ 300 kilomètres au sud-ouest d'Ahmedabad. Les raisons pour lesquelles Kohn a choisi Junagadh comme village d'étude pourraient être la rencontre avec des politiciens gandhiens. En effet, la famille de Gandhi est originaire de la région de Junagadh.
Cette étude a été rendue possible grâce à l'institut d'été à l'école d'architecture d'Ahmedabad, fondé par Kohn en 1968 pour étudier les villages indiens en 1968 et 1969. Il a conçu cet institut d'été en 1968 alors qu'il était en France et a amené des étudiants étrangers à Ahmedabad, en Inde, pour mener des recherches.
Influencé par les idées de Geddes, Kohn se rend dans les villages avec ses étudiants de manière à diagnostiquer les problèmes qu’ils rencontrent en s’attachant à comprendre leur histoire et les activités économiques des habitants. Lorsqu'ils étudient un village, ils observent les facteurs sociaux de base tels que la région, la caste, le sexe et l'âge des habitants. Puis ils s'intéressent à ce que fait chaque personne dans sa vie et à la manière dont elle interagit avec les autres. Finalement, il constate que le problème vient de l'espace.
Summer institute est fondé en 1968 par Bernard Kohn pour les études des trois villages à Junagadh.Trois étudiants de Strasbourg, deux étudiants et un enseignant de Nantes, un étudiant et un enseignant de Paris, un étudiant de Toulouse et six étudiants de Marseille ont demandé leur bourse au Serivce des Enseignements de l’Architecture et des Arts Plastiques dans une lettre à Monsieur RAMOND de la part de Bernard Kohn, Paris, le 15 mai 1970.
La première session de l'institut d'été, durant laquelle a été effectuée l'étude des trois villages de Junagadh, s'est déroulée pendant huit semaines, du 6 juillet au 2 septembre 1968 avec 16 participants (architectes, urbanistes, statisticiens, ingénieurs, économistes) et des étudiants indiens et du monde entier. L'objectif ultime de cette étude est d'aider les étudiants à effectuer des recherches sur le terrain, ce qui n'est pas toujours faisable dans un établissement, et de trouver des solutions aux problèmes en étudiant les conditions sociales économiques d'une zone rurale pauvre et mal équipée.
L'étude de 1968 a été divisée en trois phases. Tout d'abord, une phase de deux semaines et demi a été passée à Ahmedabad pour effectuer des recherches préliminaires, s'entretenir avec des politiciens, des économistes et des sociologues et acquérir une compréhension de base de l'histoire et du contexte des villages de Junagadh. La deuxième phase de la recherche impliquait un séjour de trois semaines à Junagadh au Traning Centre for Village. Pendant cette période, les participants mènent des recherches sur les problèmes ruraux, la structure rurale, les facteurs socio-économiques, les machines agricoles avec l'économie rarale, l'irrigation, la terre, les semences, les engrais, etc. Ils étudient également les problèmes d'augmentation de la production, la façon de résoudre les problèmes de transport, de financement et le besoin d'eau. Kohn explique que la recherche sur le terrain porte sur les profils économiques, sociaux et environnementaux. Il énumère sept éléments au total.
1. Physical and non-physical rural components.
- Water in relation to the community.
- Minimum enclosure and maximum use of open space.
- Traditional house, grouping, construction, space and climatic factors.
- Agriculture and agro-industries.
- Transportation.
- Villagers and their views of their environment.
FULL TIME PARTICIPANTS - 1968 SUMMER PROGRAMME
- Jayendra Bhatt, Architect, Ahmedabad, India.
- David Bradley, Architect, U.K.
- Himanshu D. Chhaya, Asstt. Prof. I.I.T. Kharagpur, India.
- Jean Elie Hamesse, Architect, Belgium.
- Ashwin Gandhi, B.Eng., Ahmedabad, India.
- Robin Gaunt, Architect, A.A. U.K.
- Bernard Kohn, Architect-Planner, U.S.A.
- Upendra Mehta, Planner, Government of Gujarat, Ahmedabad, India.
- Nicholas Phillips, Architects, A.A. U.K.
- David E. Sims, Bach. Economics, Yale, U.S.A.
PART TIME PARTICIPANTS
- R. Deshmukh, Architect, Bombay, India.
- Paul Hirshora, Architect, Planner, Penn, U.S.A.
- John Ready, Architect, Cambridge, (Student) U.K.
- Gita Shah, Architect, Ahmedabad, India.
- Bushan Sachdeva, Architect, I.I.T. Kharagpur, India.
- Andrea Williams, Statistician, U.K.
- Village de Kevadra
Relevé des maisons
Kohn a guidé les élèves à travers un relevé des maisons qu'ils considéraient comme importantes dans le village. Ces maisons ont toutes des cours plus ou moins grandes et vont jusqu'au RDC ou R+1.
Il a ensuite travaillé avec les élèves sur les dessins d'une maison : deux plans, une coupe, une façade (figure 45). Le plan de RDC met l’accent sur les limites avec les murs voisins et l'emplacement des meubles. La coupe montre la structure en bois de la dalle ou la structure du toit, tandis que la façade met en valeur les matériaux du bâtiment. Avec la même méthodologie, Kohn a analysé une dizaine de maisons au sein de chaque village de manière à mieux en comprendre l’ensemble.
Le système des castes et la culture ruarale indienne
Dans les documents relatifs aux villages de Junagadh de 1968, une page rédigée par Kohn évoque le lieu de communauté, la religion, la caste et l'occupation[1] dans un village Koyli à Junadagh. Cette étude décrit que les familles de Harijans, intouchables, n'avaient pas le droit d'aller à l'école auparavant, mais qu'elles peuvent désormais le faire. Kohn explique également qu'ils ont leurs propres puits et qu'ils ont leur propre communauté autour des puits. Kohn déclare aussi que les Indiens ont toujours tendance à rester au sein de leur propre caste. Par ailleurs, il a approfondi la compréhension de la structure sociale du village en reliant des informations détaillées sur l'activité économique aux castes, telles que les emplois occupés par ces personnes et le fait qu'elles soient ou non des agriculteurs possédant leurs propres terres. Puis, il a constaté que dans ce village Koyli, tout le monde suivait la religion Hindou. Cela montre que les villages ont un potentiel d'exclusivité religieuse, contrairement aux grandes villes où les différentes religions sont regroupées.
[1] Ces éléments renvoient à la trilogie de Geddes folk, work, place.
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La place et le puit
Par ailleurs, dans l’ouvrage Patrick Geddes in India (1947) édité par Jaqueline Tyrwhitt, Geddes met en avant la nécessité d’analyser les villages indiens en observant plus particulièrement les deux éléments clés qui sont la place et le puit. La raison pour laquelle cela était important à son époque est que la place est l'endroit où se déroulent la plupart des activités et où les gens interagissent le plus profondément en Inde. De plus, l'eau est tirée d'un puits, ce qui était un facteur important pour la santé des gens. Dans le même ouvrage, Patrick Geddes explique comment les puits devaient être nettoyés. Par exemple, en laissant la mousse se développer ou en mettant des petits poissons dans le puits.[1] C’est pour cela que Kohn s'est particulièrement intéressé au rôle du puit et du lieu.
[1] « While I entirely concur with the authority in filling up all small pools and puddles, the treatment I propose for the tanks and reservoirs is to clean them thoroughly and then stock them with sufficient fish and duck to keep down the Anopheles. » Geddes, Patrick, Lewis Mumford, and H. V. Lancaster. 1947. Patrick Geddes in India. Edited by Jaqueline Tyrwhitt. London: L. Humphries, p. 80.
Kohn utilise la géographie, la morphologie du village, le système d'approvisionnement en eau, les activités des habitants et les usages des bâtiments de manière à examiner les caractéristiques structurelles du village de Kotharia. Dans le cas de la géographie, Kohn semble suivre l'idée de Geddes selon laquelle l'activité change en fonction de la situation géographique dans laquelle elle se trouve.[1] Ici, pour ses études, Kohn fait référence aux éléments urbains observés par Geddes comme le puit, la rue principale et la place. Dans les paragraphes suivants, les puits jouent également un rôle important dans ses études. Il est dit qu'il y a environ 70 puits privés servis à Kotharia.
[1] Meller, Helen Elizabeth. 1990. Patrick Geddes : Social Evolutionist and City Planner. London: Routledge, p. 40.
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1ère SESSION – ÉTÉ 1968
A. GÉNÉRALITÉS.
L’Université (Summer Institute) d’été d’Ahmedabad, en Inde, propose un programme intensif, bien que non officiel, de huit semaines de conférences, de séminaires, de travaux dans des régions étudiées, dans les villages et les zones urbaines, ainsi qu’une étude sur les aspects pratiques du développement en Inde. La première session, du 16 juillet au 2 septembre 1968, regroupait 16 participants de l’Inde et de l’étranger, tous des professionnels, soit de l’architecture ou de génie civil, soit de l’urbanisme ou de l’économie.
L’enseignement requérait une équipe de professeurs pour une série d’études et de discussions libres. Des interviews, des discussions, des séminaires, des visites sur les lieux, des rencontres avec des membres des institutions ou des communautés, ont favorisé une vaste collaboration entre professeurs et étudiants. Cet enseignement traitait des valeurs, des méthodes et des solutions tentées. Il impliquait également une mise en question historique, revenant à débattre des faits, à rediscuter les valeurs établies, les méthodes et les solutions généralement acceptées. Soumettre à discussion les idées respectives de l’individu et de la collectivité.
- Présenter, à travers l’exemple indien, une introduction fructueuse, instructive et libre à l’urbanisme et au développement.
- Introduire l’idée du travail d’équipe pour résoudre les problèmes d’une région. Accepter, dès le début, la participation active de l’urbaniste.
- Rassembler les données et les techniques spécifiques au développement, aux problèmes d’aménagement du milieu, et de structures collectives. Faire ressortir les facteurs générateurs des valeurs nouvelles.
- Permettre une expérience, grâce à la nature même de l’Université, et aux orientations instructives de son programme qui associe à la solution des problèmes, les réflexions, en groupe, et les travaux dans les régions.
C. ZONE ÉTUDIÉE 1968.
La région étudiée pendant huit semaines était le village de Jetalpur et ses alentours. Situé à environ 12 km au sud-est d’Ahmedabad, cet endroit était choisi pour la pauvreté de son économie locale et pour ses problèmes sociaux, économiques et administratifs ; il présentait les aspects fondamentaux d’une région rurale typique, où le climat, le sol et les eaux ont déterminé, avec les autres éléments géographiques, les modes de vie, l’agriculture, le commerce et l’industrie.
D. PROGRAMME.
Le programme de huit semaines comprenait une introduction d’une semaine sur le cadre géographique, l’histoire et l’urbanisme indien, et les faits essentiels pour une étude exhaustive. Une deuxième semaine fut consacrée à l’organisation du groupe d’études, à la division des tâches et à la rédaction des questionnaires pour les interviews.
Les efforts pour le développement des collectivités, des facteurs socio-économiques, de l’apprentissage administratif en place. Ces discussions furent suivies d’une série de réunions sur l’éducation, l’économie régionale, l’irrigation, les sols, les semences, les engrais. C’est-à-dire un réveil des vues générales en termes de problèmes nouveaux augmentant les rendements des produits de l’agriculture, des problèmes qui vont avec : stockage, transport, financement, récoltes.
Une troisième semaine de séminaire permit d’étudier plus en détail tous les points soulevés. Les travaux sur les lieux étudiés (10 jours).
Phase 3. Deux semaines de travail en conclusion.
La dernière phase a été consacrée à la révision des données obtenues, à la rédaction des rapports, des critiques et à une réflexion approfondie sur les facteurs et leurs implications, la réunion des données en vue d’une synthèse de longues discussions enrichissantes et de la recherche d’une solution aux problèmes nouveaux.
Les observations furent nombreuses :
- L’eau et la réutilisation.
- L’irrigation.
- Les problèmes de finances rurales et autres.
- Les problèmes de répartition des surfaces et des terrains en termes de rendement.
- Les besoins croissants d’un encadrement administratif.
- L’agriculture et les industries dérivées.
- Le transport des marchandises.
- Les villages, etc., et leur place au cœur du milieu de vie.
E. CONCLUSIONS : SOLUTIONS PROPOSÉES.
Les solutions dégagées ont été profondément pour base fixée aux zones de développement économique, de développement social. Elles concernent aux problèmes de coopération pour l’éducation, l’enseignement coopératif, les affaires administratives, à l’intégration des divers éléments dans les plans globaux d’économie, de transport, d’habitations. Voici quelques-unes de ces solutions :
- Institution d’une agence de développement basée avant tout sur le district.
- Intégration des divers facteurs.
- Rendre variables le développement des différentes zones en association avec des conseils spécialisés.
- Maintenir un rapport strict avec les impératifs sociaux des divers groupes.
- Créer des bases pour une responsabilité collective.
L’économie donnée aux grands projets pour l’Inde tendra toujours à relier étroitement les efforts pour améliorer l’économie, la culture, à la modernisation nécessaire des traditions anciennes.
La région étudiée fut fertile en ce qui concerne des aspects très variés. Il s’agit des problèmes de finances, des problèmes de subventions (liées aux moyens locaux), d’associations de groupements à des bases fixes et de rendements différenciés.
Les membres de la première session se sont attachés tout spécialement à une intégration nécessaire du programme administratif et de celui de la solution des problèmes économiques.
F. EFFICACITÉ DU PROGRAMME.
À partir des études déjà effectuées, une certaine tendance dégagée concerne une accélération des différents développements. D’après l’intérêt manifesté, et grâce à la haute qualité des membres du groupe de direction, une seconde session de l’Université d’été d’Ahmedabad est prévue pour 1969.
G. PUBLICATION DU RAPPORT.
Le rapport actuel fera objet d’éditions, l’une en Gujarati, pour être distribuée dans les collectivités de l’État, l’autre en Anglais. Les deux éditions seront probablement disponibles en janvier 1969.
B. KOHN.
Dessins
La plus petite unité sociale : Famille
Lorsqu'ils ont commencé leur enquête architecturale, la première chose qu'ils ont faite a été de chercher quelle maison qu’ils allaient dessiner. Ils ont sélectionné des maisons dans différents quartiers afin qu'elles ne soient pas concentrées en un seul endroit. Ils ont choisi des maisons près des places et des maisons situées dans des ruelles étroite. Ils semblent également les avoir choisies en fonction de leur taille.
Lorsque Kohn étudie une famille et une maison, il les analyse comme suit. Par exemple, la famille Vasta Punja est composée de six personnes, deux couples mariés et deux enfants. Il s'agit d'une famille d'agriculteurs qui possède 70 vighas (1 vighq = 0,25 hectare) de terres et qui possède 2 buffles, 3 bœufs et 1 vache. La caste de la famille est Ayir.
Cette description fournit des informations sur la taille du site, les matériaux de la maison et une brève étude pour savoir si elle suit ou non la structure traditionnelle villageoise. Kohn explique ensuite comment procéder au traitement : occuper la grande cour actuelle par rapport à la taille de la maison et une extension verticale de la maison.
Il a ensuite travaillé avec les élèves sur les dessins d'une maison : deux plans, une coupe, une façade. Le plan de RDC met l’accent sur les limites avec les murs voisins et l'emplacement des meubles. La coupe montre la structure en bois de la dalle ou la structure du toit, tandis que la façade met en valeur les matériaux du bâtiment. Avec la même méthodologie, Kohn a analysé une dizaine de maisons au sein de chaque village de manière à mieux en comprendre l’ensemble.
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Les études suivants menées avec M. Qamar Shaikh en 1993
Ils se sont également concentrés sur la fonction des puits comme Kohn avait fait dans les années 1960.
RECHARGEMENT DES PUITS (CHAMPS)
INFORMATIONS
L'irrigation est normalement réalisée en pompant l'eau des puits.
Actuellement, le niveau de la nappe phréatique du village est descendu à 60 pieds.
Les habitants ont commencé à creuser des puits forés coûtant plus de 1,20,000 Rs/-. Mais ils ne réussissent pas toujours à obtenir de l'eau, ce qui entraîne une perte importante de temps et d'argent.
L'autre alternative plus efficace et pratique est de recharger les puits. Cette solution n'est pas encore très répandue à Kevadra, car auparavant, les agriculteurs n'étaient pas convaincus de son efficacité et n'étaient pas prêts à prendre des risques.
Le programme a été proposé par le "swadhyay parivar".
OBSERVATIONS
Le même programme avait été proposé par le gouvernement auparavant, mais il n'avait pas été accepté par les agriculteurs. Cependant, lorsque le "swadhyay parivar" a présenté le même programme avec un raisonnement scientifique et philosophique, il a été accepté assez facilement.
Mais pour démarrer le projet, les volontaires du "swadhyay parivar" ont eux-mêmes commencé à creuser les puits pour les agriculteurs.
D'après les anciens, les jeunes sont trop paresseux et ils sont donc découragés de s'impliquer dans des projets nécessitant du travail manuel.
INFÉRENCES
Il est très difficile de convaincre les agriculteurs d'accepter un nouveau programme, même s'il est dans leur propre intérêt, à moins qu'ils n'aient confiance en vous et que vous ne soyez pas un fonctionnaire du gouvernement. Vous devez plutôt faire preuve de sincérité et d'un travail désintéressé dans le but de les aider véritablement.
En ce qui concerne le travail de recharge des puits pour la prochaine mousson, les jeunes ne sont toujours pas enthousiastes car ils ne sont pas prêts pour le travail manuel nécessaire et considèrent cela comme un travail indigne, étant donné que la plupart d'entre eux sont éduqués (bien qu'ils soient au chômage).
Contexte
- Junagadh se trouve dans la partie sud-ouest du Gujarat, près de la péninsule du Saurashtra (aussi appelée Kathiawar).
- Elle est située à environ 355 km au sud-ouest d'Ahmedabad, la plus grande ville du Gujarat.
- Junagadh est proche des monts Girnar, une chaîne de collines sacrée qui est un point central pour les pèlerins hindous et jaïns.